• Le blanc, une passion

    La montre J12 possède cette capacité formidable de me transporter dans le temps et de me renvoyer en un éclair dans le passé, ce que j’adore.
    Je me revois dans ma vie d’il y a vingt ans, Parisienne, fraîchement diplômée et engagée dans une agence de publicité, un peu angoissée par la fin du monde prédite par Paco Rabanne que je croise régulièrement boulevard Raspail, déjà collectionneuse de vernis à ongles Chanel, accro aux terrasses de café de la Rive gauche que j’envahis avec ma bande de copines.
    La vie est belle, facile et insouciante (malgré Paco Rabanne).

    La J12 de Chanel est une caresse sur le poignet, aussi douce que lorsqu’on laisse sa main effleurer les épis de blé
    © Mickael Gautier

    Nous sommes tous attablés, sirotant nos cocas (light parce que le zéro n’existe pas encore), chacun arborant une montre au poignet. La mienne est petite, carrée, à quartz (oui, je sais…) et porte le patronyme d’un couturier et maroquinier italien. Il y de grands noms de l’horlogerie suisse tout autour de moi, principalement des marques de la Vallée de Joux. Je découvre celle de mon voisin. Impossible de la rater, elle est nonseulement magnifique mais c’est la première fois que je croise un tel modèle. “C’est une J12. De Chanel. Elle est automatique et en céramique noire”. Ah bon? Moi qui connais cette marque par cœur, qui suis les moindre faits et gestes de Karl Lagerfeld, qui dévore des yeux les défilés sur Paris Première, je me sens un peu bête tout d’un coup.
    Nous sommes en l’an 2000 et la J12 et moi venons de faire connaissance. On me la prête quelques minutes pour que je puisse l’essayer et l’admirer (même si le bracelet réglé sur le poignet du monsieur est trois fois trop grand pour moi). Je me plonge dans son regard d’ébène, tout en caressant son corps si doux. Peut-être que je lui murmure des mots d’amour, peut-être que je lui fais la promesse secrète de la posséder un jour. Mais ce désir muet a de toute façon volé en éclat trois ans plus tard lorsque est née la J12 blanche.

    Longtemps boudé, le blanc est devenu une couleur incontournable, que ce soit chez moi ou dans mon dressing. Non, en réalité, on peut même parler de véritable fascination. C’est une teinte qui me renvoie au passé elle aussi (décidément…), qui fait remonter en moi des souvenirs d’enfance, de rires avec mes frères mais aussi de disputes, de soleil, de cigales et d’odeurs de thym et d’huile d’olive. Les murs recouverts de chaux de la maison de mes grands-parents au bord de la Méditerranée, les nuages en pointillés qui perturbent paisiblement le ciel d’été, les robes légères que l’on porte sur la plage, les pieds dans le sable.
    Le blanc, c’est la lumière, et la lumière met tout le monde de bonne humeur. Forcément, avec un tel esprit, la J12 et son manteau virginal, immaculé comme un flocon de neige, ne pouvaient que me plaire.

    Polyvalente, la J12 de Chanel se marie à merveille avec ma salopette Modetrotter et des Stan Smith
    © Mickael Gautier

    Vingt ans plus tard, je suis toujours attablée mais à Genève cette fois (et devant un coca zéro), en tête-à-tête avec une de mes meilleures amies. A son poignet, le Saint Graal de mes vingt-huit ans, la pureté parfaitement incarnée avec cet habit monochrome.
    Comme je le fais tout le temps avec tout le monde (même des inconnus) lorsque je repère une montre qui m’intéresse, je demande si je peux l’essayer. Bien sûr. Je demande si je peux la prendre en photo. Bien sûr aussi. Je demande si je peux la garder toute la vie. Bien sûr… que non. Ma copine propose de me la prêter quelques semaines. Au moment où j’accepte, je sais que je vais pleurer le jour où il me faudra rendre ce modèle que je convoite avec tant d’ardeur.

    Bizarrement, les montres blanches restent rares même si certains horlogers s’y mettent timidement. En 2003, si je fouille dans ma mémoire, je ne vois que
    la J12. Les gens préfèrent sans doute des teintes plus démocratisées, plus passe-partout (ennuyeuses, quoi) comme le noir alors qu’une montre, c’est avant tout une émotion mais aussi un statement, une affirmation de sa personnalité.
    Et contrairement aux idées reçues, le blanc va avec tout. Il illumine tout, il réveille tout. C’est aussi pour cette raison que j’aime l’acier, le titane et le platine: j’aime la lumière. Et la J12 la reflète comme nulle autre montre, même si Mickael ronchonne parce qu’il n’arrive pas à la photographier comme il le voudrait tellement elle brille.

    Comme une étoile au poignet. Pas facile à capturer, certes, mais qui a envie de capturer les étoiles?

    Autre avantage non négligeable: la J12 de Chanel accentue le hâle de ma peau bronzée
    © Mickael Gautier

    Le contact de la céramique sur la peau est aussi soyeux qu’une plume. A tel point que, fait inédit pour moi, je me suis endormie plusieurs nuits d’affilée avec la montre au poignet. C’est simple: je ne la sens pas tellement elle est légère.
    Le boîtier mesure 38mm de diamètre, une taille unisexe. Parce que ça aussi c’est un détail que j’apprécie: la silhouette androgyne de la J12 qui peut être portée par une femme comme par un homme. La preuve, la première fois que j’ai croisé son chemin en 2000, elle était au bras d’un garçon. Son allure est unique, elle ne rentre dans aucune case. Ce n’est pas une montre sportive bien qu’elle en possède l’esprit, ni une montre de plongée bien qu’elle soit étanche jusqu’à 200m de profondeur, et encore moins une montre classique bien qu’avec le temps elle soit devenue un classique. A l’aise dans toutes les situations, elle se marie merveilleusement bien avec une tenue formelle telle qu’un tailleur – vêtement introuvable dans mon armoire – mais je préfère l’associer à une petite robe en coton blanc toute simple ou un short en jean et des Stan Smith.

    Franchement, le confort de la J12 de Chanel au poignet est indéniable
    © Mickael Gautier

    L’année dernière, la J12 a fêté son dix-neuvième anniversaire, l’occasion pour Arnaud Chastaingt, le Directeur du Studio de Création Horlogerie Chanel depuis 2013, de modifier quelques détails ici et là, de la faire “changer sans changer” comme il le dit si bien. En mettant la nouvelle et l’ancienne côte-à-côte, on peut détecter ces petites transformations. Personnellement, je la trouve encore plus raffinée (comme si c’était possible), plus aboutie peut-être. Mais ce qui est important à mes yeux, amatrice d’horlogerie oblige, c’est le nouveau cœur qui anime ses fonctionnalités que j’estime essentielles (les heures, minutes, secondes au centre et la date à 4h30: je n’ai besoin de rien d’autre), le calibre 12.1 de manufacture qui délivre 70 heures de réserve de marche. Et 70 heures, quand la majorité des montres tourne autour de 42 heures, quand on a des enfants et qu’on vit comme un bolide lancé à pleine vitesse entre les repas, la sortie de crèche, les devoirs, le bain, c’est un luxe dont je ne veux plus jamais me passer.

    Je fête mes 45 ans dans quelques mois et je sais déjà ce que je vais réclamer comme cadeau d’anniversaire.

  • le pouvoir secret du bleu

    Si vous me connaissez un petit peu, dans la vraie vie ou à travers la prose que j’étale avec délectation dans ces pages ou même les réseaux sociaux, vous savez que tout ce qui touche à l’émotionnel pur, les souvenirs d’enfance et la famille sont des fondamentaux dont je me nourris au quotidien.

    Il arrive parfois qu’un simple détail, aussi insignifiant soit-il pour le commun des mortels, me transporte dans le passé, vers cette époque bénie d’insouciance dans laquelle j’ai grandi. Ce petit élément qui vient titiller ma mémoire que j’évoque ici est en réalité une couleur, un bleu mais pas n’importe lequel.

    Je suis l’aînée d’une fratrie composée de trois garçons et deux filles, et avec le frère le plus proche en âge, nous avons beaucoup joué ensemble lorsque nous étions enfants, malgré nos quatre ans d’écart. Nos moments de récréation consistaient essentiellement à me plier aux envies de ce cadet – un brin tyrannique, pardon de l’admettre – dont l’univers étaient peuplé de petits personnages Playmobil®, principalement des cowboys et des indiens. Dans ce western miniature figurait un fort de cavalerie américaine habité par des soldats dans leur uniforme bleu.

    Le fameux bleu Playmobil® de la Pelagos de Tudor
    © Mickael Gautier

    Ce bleu, ce fameux bleu qui a coloré mon enfance, je l’ai retrouvé sur le visage de la Pelagos de Tudor lorsque cette montre a été présentée à Baselworld il y a quelques années. Forcément, je l’ai instantanément aimée.

    C’est donc un regard tendre que je porte sur ce garde- temps parce que la couleur qui habille son cadran et sa lunette est chère à mes yeux. Lorsque je lis l’heure, je pense à mon frère, je pense à l’enfant que j’étais, et ces émotions-là, croyez-moi, n’ont pas de prix. Bien entendu, le surnom de Pelagos bleu Playmobil® n’est pas officiel, c’est juste un clin d’œil entre cette montre que j’ai la chance d’avoir au poignet et moi.

    Et pour mieux vivre mes souvenirs, je suis partie avec elle (et ma famille, bien sûr!) passer les fêtes de fin d’année dans la maison de campagne de ma mère, comme quasiment chaque année depuis ma naissance. Cette ancienne bergerie qui date d’il y a deux siècles est nichée sur une colline en pleine cambrousse catalane, coincée entre les Pyrénées et la Méditerranée. Un environnement un tantinet hostile et sauvage, en pleine nature, soit l’endroit rêvé pour tester cette Pelagos.

    La Pelagos de Tudor parfaite avec mon joli manteau bleu Modetrotter et mon duo de petites bagues Vanessa Martinelli dont je suis inséparable
    © Mickael Gautier

    Hiver oblige, je n’ai malheureusement pas pu me baigner pour faire quelques brassées avec elle mais de toute façon, vu qu’elle supporte des immersions jusqu’à 500m de profondeur, qu’elle possède un fond et une couronne vissés et une valve à hélium à 9h sur le flanc de son boîtier, je n’ai aucun doute quant à sa super étanchéité.

    Pas de baignades en eau salée ni même en eau chlorée certes mais comme toutes mes autres montres, elle a subi mon quotidien de maman en vacances à la campagne avec des enfants dont deux en bas âge qui courent partout et deux chiens de chasse… qui courent partout aussi!

    La Pelagos de Tudor, c’est dans la poche!
    © Mickael Gautier

    A part pour dormir, elle n’a pas quitté mon poignet. C’est la deuxième fois que j’emprunte une montre en titane (bracelet compris) et j’avoue aimer de plus en plus ce métal. Parce qu’il est léger et quand on porte une montre de plongée avec un boîtier de 42mm de diamètre sur un petit poignet comme le mien, le poids est un paramètre non négligeable. Parce qu’il est résistant et encaisse sans broncher les assauts de mon fils et les coups que je peux lui donner involontairement et maladroitement en la tapant contre le cadre d’une porte ou le rebord de l’évier. Parce sa couleur plus grise, plus sombre que l’argenté de l’acier me plaît énormément et se marie avec tout type de vêtement, un autre point qui me parle beaucoup vu que je n’ai plus le temps de réfléchir vingt ans sur la tenue à porter donc si en plus je dois l’assortir à ma montre…

    Revenons quelques instants sur le cadran, qui outre sa couleur que j’aime pour les raisons que vous connaissez désormais, présente des éléments caractéristiques des montres de plongée de Tudor que la marque a instaurés dès la fin des années 1960 telles les aiguilles de forme bâton dites “snowflakes” parce que celle des heures et la trotteuse sont terminées par un losange.
    Cette silhouette particulière couplée aux figures géométriques que sont les index permettent une prise d’information rapide même dans la pénombre (dans mon cas, pas au fond de la mer mais plutôt lorsque je vais vérifier que mes enfants dorment alors que la lumière de leurs chambres est éteinte).
    Et justement, puisque je mentionne la luminescence des indications, j’aime beaucoup le revêtement blanc à émission bleue, tellement plus beau et élégant que l’habituelle phosphorescence verte! Et la finition mate de l’ensemble qui annule tout reflet est un autre élément esthétique (mais aussi technique pour les vrais plongeurs!) qui me séduit. C’est agréable pour les yeux et fait de cette montre la plus photogénique de ma collection.

    Le cadran ultra-lisible de la Pelagos de Tudor
    © Mickael Gautier

    En termes de fonctionnalités, la Pelagos répond à mes besoins car elle présente l’essentiel, à mes yeux, c’est-à-dire la combinaison centrale heures/minutes/ secondes et la date (à 3h). Les seuls chiffres arabes présents sont ceux des graduations inscrits sur l’anneau bleu mat en céramique qui coiffe la lunette rotative unidirectionnelle.

    L’unique reproche que je pourrais faire à cette montre concerne la longueur du bracelet qui, même après avoir retiré un bon nombre de maillons, reste un peu trop “lâche” sur mon poignet, ce qui arrange Mickael puisque, grâce à la boucle déployante sécurisée qui embarque un système de rallonge automatique à ressorts, il peut emprunter ma Pelagos quand il veut!

    Nan, je vais pas lui prêter! 😉
    © Mickael Gautier
  • Histoires naturelles

    Dans mon environnement quotidien gravitent autour de moi celles que j’appelle “les marques-doudous”. Rien à voir avec le vieux lapin blanc tout usé que ma fille emporte partout et sans lequel elle ne peut pas s’endormir (bon, plus maintenant vu qu’elle a quand même bientôt quinze ans). Une marque-doudou, c’est une marque qu’on chérit car on l’a connue au cours de son enfance, qui a accompagné notre croissance, sur laquelle on porte un regard tendre, peut-être un brin nostalgique parfois, et en qui on a une confiance aveugle (un peu comme un ami, un vrai ami). Il arrive parfois qu’on en perde en cours de route, soit parce qu’elles ne s’adressent plus à nous et qu’il y a une évolution tarissant la relation, soit parce que cette confiance justement a été rompue pour une raison X. Aujourd’hui, ces marques-doudous, je les compte sur les doigts de la main (un peu comme les amis, d’ailleurs). 

    Robe Modetrotter, bagues Vanessa Martinelli, montre 1858 Geosphere de Montblanc
    © Mickael Gautier

    A mes yeux (et dans mon cœur), Montblanc fait partie de ce minuscule panel de marques-doudous. Elle est profondément ancrée dans l’histoire de ma famille, mes parents étant tous les deux de grands fans du Meisterstück dont ils possèdent toutes les déclinaisons possibles. Quand j’étais jeune, je souhaitais devenir écrivain et mon père m’a souvent dit que les écrivains et les grands journalistes n’écrivaient qu’avec un Montblanc. Plus tard, à l’âge de quinze ans, il m’a offert mon premier Meisterstück. Ce joli souvenir me fait sourire parce que même si je ne suis pas devenue l’auteure que je rêvais d’être, j’ai devant moi ma petite collection d’instruments d’écriture aux bouchons coiffés de la fameuse étoile blanche étalée sur mon bureau alors que j’écris ces quelques lignes. Avec ce premier stylo-plume, je suis entrée dans l’univers de l’entreprise hambourgeoise et j’ai, avec les années, découvert le reste de ses gammes, notamment la maroquinerie (surtout à cause de ma mère) et la petite maroquinerie (surtout à cause de mon mari). Je savais qu’il existait des montres signées Montblanc mais je ne m’y suis réellement intéressée qu’en devenant journaliste spécialisée en horlogerie. 

    Blouson en cuir Kookai, bagues Vanessa Martinelli, montre 1858 Geosphere de Montblanc
    © Mickael Gautier

    Tout a changé pour moi le jour où Davide Cerrato a pris les commandes du département Montres de Montblanc fin 2015. J’aimais déjà ce que l’entreprise produisait mais son arrivée a marqué la naissance quelques mois plus tard d’une de mes collections horlogères préférées: 1858. Visuellement, les montres de cette ligne m’ont tout de suite tapé dans l’œil. Mécaniquement, je savais, pour m’être rendue trois fois dans la manufacture de Villeret, qu’elles étaient rythmées par des moteurs impeccables. Et physiquement/ergonomiquement… Vous souvenez de mon conseil, n’est-ce pas? Toujours toujours toujours passer un garde-temps au poignet avant de l’acheter. C’est ce que j’ai fait avec la 1858 Geosphere dont la version avec cadran vert et NATO kaki présentée au SIHH est un de mes coups de foudre de l’année. Bon, je ne l’ai pas achetée, je n’en ai malheureusement pas les moyens bien que son prix (comme celui des montres Montblanc en général) soit extrêmement “réaliste”, compétitif. Une belle montre automatique en bronze avec de tels affichages (heures, minutes, date, second fuseau horaire et heures du monde avec indicateur jour/nuit) à 6’380 francs suisses, honnêtement… je n’en ai jamais vue! Bref, afin de la tester réellement, je l’ai empruntée à Davide Cerrato himself pour quelques semaines, histoire de lui faire partager mon quotidien avant de la rendre à son créateur. 

    Gilet en cachemire Manor, lunettes de soleil Knockaround, bagues Vanessa Martinelli, montre 1858 Geosphere de Montblanc © Mickael Gautier

    Etre la montre d’une femme active mère de deux enfants dont un en bas âge n’est pas chose facile. Comme pour toutes les pièces que je porte, je ne lui ai rien épargné. Si elle n’a pas pris l’avion bien qu’elle soit taillée pour les voyages, elle a toutefois vécu d’autres aventures, elle pris des giclures de purée, donné le bain, couru après le bus, participé à des conférences de presse, fait des balades au grand air, subi les assauts affectueux de mes chats… Et son robuste boîtier en bronze patiné n’a pris aucune rayure, son bracelet en textile est toujours impeccable. Vu que je ne fais pas partie de ces personnes qui aiment assortir le genre de leur montre au style de leur vêtements (le classique avec le formel, le sportif avec le décontracté, le féminin pour les femmes et le masculin pour les hommes, etc… quel ennui!) et que je m’habille beaucoup avec des couleurs “naturelles” comme le camel, le beige ou les différentes nuances de vert, de l’émeraude à l’amande en passant par le kaki, je ne me suis posée aucune question. Elle va avec tout. Et l’avantage de son diamètre de 42mm mais aussi de son NATO réglable, c’est qu’elle convient aussi bien à des poignets menus comme le mien qu’à des plus larges à l’instar de celui de mon mari qui ne s’est pas gêné pour me la piquer de temps en temps. Qu’elle soit sur Mickael ou sur moi, l’effet reste le même: la 1858 Geosphere fascine. Famille, confrères, amis, collègues ont tous loué son graphisme unique, sa couleur vibrante. Nous n’avons reçu que des compliments et aux rares personnes qui ignoraient que Montblanc faisait des montres ou qui étaient sceptiques parce que bêtement restés bloqués sur les instruments d’écriture, nous leur avons raconté l’histoire de Minerva, la qualité des produits, le confort au porter, la vision et la touche de Davide Cerrato. “Tiens, prends-la dans la main, essaye-la au poignet, et tu verras” (ce qu’a fait mon fils un jour, la Geosphere traînant sur mon bureau, ce qui m’a presque valu un arrêt du cœur quand je l’ai vue entre ses petits doigts). 

    Montre 1858 Geosphere de Montblanc, boîtier en bronze, cadran kaki et mouvement automatique
    © Mickael Gautier

    Forcément, ce qui attire le regard, notamment celui de mon petit garçon (!), ce sont ces deux demis-globes placés vers midi et 6h qui présentent les heures du monde de façon intuitive. Rotatifs, les hémisphères en relief évoluent sur un rythme de 24 heures et portent la graduation des 24 fuseaux horaires. Comme je l’écrivais plus haut, nous n’avons pas eu l’occasion de voyager dernièrement, en tout cas pas hors de Suisse. Cependant, nous avons profité d’une sortie en famille non pas pour traverser les fuseaux horaires mais remonter le temps puisque “notre” Geosphere a accompagné mes enfants à DinoWorld, une exposition de dinosaures en grandeur nature ou presque en pleine campagne genevoise à deux pas de notre maison. Ensuite, elle s’est promenée au bord du lac Léman avant d’assister à un match de basketball de rue sous la douceur du soleil d’automne. Comme un membre supplémentaire de notre foyer. Comme l’a toujours été cette marque-doudou qu’est Montblanc depuis mon enfance et qui compte avec une cliente de plus depuis deux ans: ma fille.

    Robe Modetrotter, bagues Vanessa Martinelli, montre 1858 Geosphere de Montblanc
    © Mickael Gautier

  • Et si demain…?

    Ce matin, alors que la nature a pu respirer sereinement pendant plus de deux mois, notre monde rouvre ses portes. J’imagine que nous sommes nombreux à redouter ce moment que certains considèrent comme une libération, ce fameux “déconfinement“ (quel affreux néologisme!). Pour moi, il représente une source d’angoisses supplémentaires (ceux qui me connaissent savent à quel point je suis quelqu’un d’anxieux) même si de notre côté, nous ne reprendrons pas le chemin du travail “physique“ tout de suite. Mickael va continuer à bosser depuis la maison et Melchior n’ira pas à la crèche. Mon cerveau tourne au ralenti, comme un vieux disque dur saturé, et les idées contradictoires fusent et ne cessent de se télescoper au fond de ma petite tête. Je n’arrive pas à me réjouir de cette sortie de crise un peu illusoire. Il y a trop de doutes en moi pour la vivre sereinement. De la colère aussi, mais également des questions quant à notre avenir.

    Le fameux petit train rouge qui passe par La Givrine

    Dimanche matin, nous nous sommes autorisés une promenade dans la nature. Pas juste les dix minutes de balades quotidiennes en solo devant mon immeuble pour permettre à Neus de se soulager mais une vraie sortie tous les trois, Mickael, Melchior et moi. J’aurais aimé qu’Alix soit avec nous mais malheureusement, elle est toujours confinée chez son père. Respirer l’air pur de la montagne, caresser les paysages vallonnés et arborés des yeux, fouler la terre en prenant garde de n’écraser aucun insecte, aucune fleur. S’émerveiller devant un papillon, un escargot, un bouton d’or. Sourire au soleil en écoutant les oiseaux chanter. Tous ces moments simples qui nous ont tant manqué depuis deux mois, depuis le 15 mars. Si la Suisse a opté pour un semi-confinement, le nôtre en tant que famille a été total. J’avais trop peur. J’ai toujours trop peur.

    Première sortie depuis le 15 mars

    Ce bain de verdure n’a pas été une sorte de “wake up call“ pour moi parce que j’aime et je respecte la nature. Et un de mes rêves est de m’installer à la campagne ou d’acheter un chalet en montagne pour pouvoir nous enfuir le weekend, de vivre dans une maison autonome, eco-friendly, alimentée par énergie solaire et recyclage d’eau de pluie et avec un grand terrain pour laisser mes animaux en liberté et en accueillir d’autres. Si je le vois déjà cet habitat green pour héberger notre famille, cependant, il ne vit que dans ma tête pour le moment… Etre une Laura Ingalls mais encore virtuelle. Cette escapade au cœur de la forêt m’a une fois de plus ouvert les yeux sur la beauté du monde et sur la nécessité impérative et urgente de le protéger. On ne peut pas continuer à lui baiser la gueule par notre égoïsme, nos désirs imbéciles et notre cupidité éhontée. Je pense qu’il est plus que temps que nous revoyions nos modes de consommation, que nous pensions local plus que global, que nous rendions à la terre le respect de ce qu’elle nous donne. Bref, un discours que vous avez maintes fois lu ou entendu mais qu’il faudrait vraiment mettre en pratique, d’autant plus que ce covid-19 n’est pas KO, qu’il n’y a ni remède pour le soigner ni vaccin pour le prévenir. Et surtout je pense que ce n’est pas le dernier petit microbe qui va mettre notre planète à genoux parce qu’à force de niquer les écosystèmes, on libère ou on créé de nouvelles saloperies dangereuses pour nous-mêmes.

    Heureux <3

    Je ne vais pas me lancer maintenant dans un discours écologique. Je n’en ai pas l’énergie. Je souhaite juste construire un demain plus beau, plus solidaire et plus honnête que notre hier; qu’on apprenne à se poser les bonnes questions si ça n’a pas été fait pendant le confinement, voire avant le confinement. Parce que le monde d’hier, je n’en veux pas pour moi et encore moins pour mes enfants. Le problème, c’est le collectif. Et faire bouger une masse qui consomme comme elle respire… Vous aussi vous avez sans doute été bombardés d’e-mails pour vous annoncer la réouverture de boutiques. Parce que forcément là maintenant tout de suite, il faut dépenser, faire tourner l’économie, garnir nos dressings de fringues inutiles… Quand on voit le comportement de certains qui ne portent pas de masques pour des raisons qui me dépassent, qui ne respectent pas les distances sociales. Jouer à la roulette russe avec soi-même, pourquoi pas, mais avec la vie des autres… Un peu comme ces gros cons qui prennent le volant bourrés ou qui conduisent en envoyant des sms… Ça me tétanise.

    “wild and free“

    De mon côté, je suis émotionnellement et physiquement épuisée. Il a fallu tout gérer, vraiment tout, en même temps tout en subissant la pression professionnelle, et il va falloir continuer. Parce que Melchior ne peut pas retourner à la crèche qui n’accueille qu’une poignée d’enfants et parce qu’une fois de plus, j’ai trop peur. Depuis le début de cette crise sanitaire, on nous bassine que les gamins n’attrapent pas le virus. C’est faux. Peut-être sont-ils plus immunisés et résilients que les adultes mais ils peuvent quand même choper cette saloperie et la transmettre à d’autres. Et puis maintenant, on nous parle de la maladie de Kawasaki. Moi ça me terrifie tout ça. Et ce qui me terrifie le plus… le laxisme de nos dirigeants. Comment faire confiance à des gens qui ont ignoré les premiers signaux de la future pandémie, qui nous ont convaincu que le port du masque était inutile avant de nous convaincre qu’il était essentiel, qui sont incapables de rassurer les parents. Il y a tellement de non-dits, d’allers-retours dans les discours que je ne me sens pas du coup en confiance. 

    Deux heures de marche en pleine nature

    Je suis perdue et pars un peu dans tous les sens, je le sais. La seule chose dont je sois certaine, c’est de ne pas vouloir reprendre ma vie d’avant. Je veux voir mes enfants grandir, passer plus de temps avec mon fils qui a énormément appris en si peu de temps et retrouver ma fille qui me manque terriblement. Je veux rendre visite à ma mère à Barcelone, à mon père à Paris, à mes grands-parents à Ibiza dès que nous aurons à nouveau le droit de voyager. Je veux prendre soin de mon petit nid dans lequel je ne me suis jamais sentie prisonnière ces deux derniers mois, réaménager la chambre d’Alix, repeindre le salon, réagencer la terrasse. Je veux consommer autrement, ce que nous faisons déjà depuis longtemps mais aller plus loin dans cette démarche. Je veux consacrer plus de temps à l’évolution de ce blog mais aussi voir mon autre projet se développer. Je veux écrire, écrire, écrire. Lire, dessiner, créer, materner, bercer, consoler, émerveiller et aimer de toutes mes forces. Et je veux faire tout ça avec l’esprit tranquille.

    On est biiiien! © Mickael Gautier
  • Un mois de confinement

    Stupeur. C’est ce que je ressens quelques heures avant de décoller de La Havane où je viens de passer trois jours fin février lorsque Yoann, mon ex mari, m’annonce que je ne vais pas pouvoir voir Alix dès mon retour à Genève. Parce que j’ai transité par des gares et aéroports, parce que je suis restée enfermée longtemps dans un train puis trois avions, parce que j’ai fréquenté beaucoup trop de monde pendant ce séjour cubain, me voilà privée de ma fille. Ce putain de covid-19 vient de faire son entrée sur le territoire suisse donc pour le bien de notre enfant et celui de notre entourage, on ne peut prendre aucun risque. A La Havane, dans ma superbe chambre d’hôtel que bercent un fond musical joyeux et un temps doux, j’ai lu la presse française, regardé TV5 en boucle, gagnée par l’appréhension. C’est sans doute pour cette raison que je ne me suis absolument pas opposée à la décision de Yoann. Au contraire, je l’ai soutenue.

    La semaine après mon retour à Genève est des plus étranges, comme plongée dans une autre réalité, une réalité faite d’ébahissement et de méfiance. J’imagine qu’on est nombreux à vivre cette ambiance pesante, à avancer à tâtons dans un quotidien qu’on ne comprend plus, à tenter d’anticiper les contours d’un confinement qui n’en est pas encore un. Mickael et moi faisons quelques courses. De quoi tenir deux semaines (au lieu d’une) pour éviter de retourner tout de suite dans un supermarché mais sans sombrer dans la paranoïa qui visiblement pousse certains à dévaliser les rayons, à stocker des denrées comme si on était en guerre. C’est assez impressionnant, angoissant, déstabilisant de voir ces étalages vides. 

    Dernière promenade à la campagne © Mickael Gautier

    La stupeur ne me quitte pas. Elle s’intensifie lorsqu’on apprend, parmi un tas d’autres informations, que l’école d’Alix ferme, que la crèche de Melchior ferme, que les bureaux, les commerces, les frontières… tout ferme… mais que nous devons quand même continuer à travailler. Le télétravail, c’est bon, je maîtrise puisque ça fait plus de trois ans que je bosse à la maison… mais avec un petit bonhomme de deux ans et demi dans les pattes? Je revis la terreur et la nervosité subies peu après la naissance de Melchior quand je devais m’occuper de mon bébé et écrire des articles en même temps, que j’étais à deux doigts d’exploser parce que je n’arrivais pas à gérer simultanément mon rôle de maman et mon emploi de journaliste. Et surtout, comment trouver la motivation pour pondre des textes quand le monde part en sucette? Quelle organisation mettre en place pour que Mickael et moi puissions travailler sereinement alors que notre fils n’est pas suffisamment grand pour comprendre la situation, pour jouer tranquilou dans sa chambre? Et quand est-ce que je vais pouvoir revoir ma fille? Toutes ces questions me tétanisent. 

    Le premier weekend après le discours de Macron puis celui du Conseil Fédéral, nous décidons de nous promener une dernière fois dans Genève. Regarder Melchior glisser dans le toboggan puis traverser les parcs qui nous mènent près de la gare où se trouve l’un de nos restaurants préférés. Ce soir-là, mon cheeseburger a le goût des adieux. J’observe les quelques clients qui dînent. J’ai peur. Et le lendemain, on part à la campagne se balader, à cinq minutes de voiture de chez nous. Mais croiser des promeneurs même s’ils se font rares m’angoisse terriblement. J’ai trop peur. C’est dur, c’est chiant, mais on doit rester à la maison, l’extérieur est devenu un endroit hostile, un terrain sur lequel je refuse de m’aventurer et certainement pas en famille. 

    Dernière glissade sur le toboggan © Mickael Gautier

    Cette stupeur ne me lâche toujours pas. Cependant, Mickael réussit à me tirer de cette atonie dans laquelle je me suis réfugiée. On s’organise. On revoit l’agencement du salon qu’on transforme en salle de jeux pour Melchior. On descend nos ordinateurs qu’on installe sur la table de la salle à manger. La pièce à vivre n’a jamais aussi bien porté son nom: on mange, on bosse, on joue dans ce grand espace qui donne sur la terrasse. Je me sens chanceuse de vivre dans un tel appartement. Nous profitons du confinement pour accrocher des tableaux, cuisiner de bons petits plats, regarder la 4ème saison de La casa de papel et la 3ème d’Ozark, rempoter les plantes, nous reposer. Etre ensemble, tout simplement.

    A la deuxième semaine d’enfermement, la stupeur est partie. Je promène le chien tous les matins, cinq minutes. Le temps d’une cigarette. La sortie du soir, c’est Mickael qui s’en charge. Là encore, je me sens chanceuse, heureuse d’avoir un tel homme à mes côtés. Si le confinement est néfaste pour certains couples – je ne parle pas des femmes battues ni des victimes de pervers narcissiques –, s’il provoque des tensions, ce n’est pas le cas chez nous. Il a apporté une proximité qui me rassure. J’enlace et j’embrasse mon amoureux des dizaines de fois par jour. Sa force m’aide à garder les pieds sur terre.

    Les heures défilent, les activités s’enchaînent. J’essaye d’être imaginative pour que Melchior, qui a mal vécu les premiers jours de confinement et a beaucoup réclamé Alix et son oncle Lucas. On fait des jeux, de la peinture, des bulles de savons, des parties de basket, de la pâte à modeler, des dessins au feutre sur papier ou à la grosse craie sur le sol de notre terrasse, des constructions de Lego, des courses de voitures. Melchior a beaucoup évolué en l’espace d’un mois. Son vocabulaire s’est enrichi, son élocution est plus fluide. Il a appris l’alphabet et sait épeler son prénom. Nous sommes émerveillés par ses progrès, sa capacité d’observation. Petit à petit, il devient autonome, commence à jouer seul. 

    Bientôt enfermés tous les trois à la maison © Mickael Gautier

    Honnêtement, le fait de nous retrouver tous les trois, d’avoir un rythme différent du quotidien qu’on croyait rassurant, cette sensation de vacances sans être en vacances, me fait un bien fou. J’ai un peu honte de l’avouer surtout quand je vois tous ces gens se plaindre sur les réseaux sociaux d’être enfermés. Je comprends leur frustration, leur tristesse, leur vulnérabilité. Forcément, dans cette situation, toutes les émotions sont amplifiées. Et le chômage partiel n’arrange rien. Puis, il y a ces questions qui nous titillent: comment sera l’après-coronavirus, le fameux “déconfinement“ qu’évoque la presse? Ce néologisme, je le déteste, il me fait penser à “déconfiture“ et moi, cet enfermement, je ne le vis absolument pas comme un échec, une source de sentiments négatifs. Au contraire, il m’est bénéfique en me permettant de prendre soin de ma famille, d’avoir un rythme plus sain, de réfléchir, de découvrir de nouveaux moyens d’expression créative, de nouvelles idées et de nouvelles envies. Il m’ouvre les yeux sur la vie que je veux vivre. Il dévoile un aspect de ma personnalité qui me motive. Je me sens bien avec mon homme et mon fils près de moi. Et si je pouvais serrer ma fille contre mon cœur, ça serait merveilleux. Nos retrouvailles n’en seront que plus émouvantes. Je sais que ce jour-là je vais pleurer. Beaucoup. Et qu’elle, en bonne adolescente, montrera un visage à la fois ému et perplexe. 

    Demain, quand nous serons à nouveau libres, beaucoup de choses vont fleurir de cette expérience étrange, de cette aventure inédite, et nous regarderons la vie autrement. Pour moi, la “normalité“ telle que nous la connaissions n’existe plus et c’est tout ce que je nous souhaite. 

    Photos © Mickael Gautier

  • Salut, c’est Sharmila!

    Se présenter n’est pas chose facile mais néanmoins indispensable pour mieux se connaître. Je débarque dans votre vie en vous racontant la mienne donc il me semble évident de vous parler un peu de moi, genre mini-bio que j’espère pas trop ennuyeuse. Certains d’entre vous me connaissent déjà, dans la vraie vie ou virtuellement. Mais pour les autres, voici ces quelques lignes d’introduction en toute transparence pour mieux comprendre qui je suis.

    Je suis née à Calcutta, en Inde, en 1975 et j’ai été adoptée à l’âge d’un mois par un père français et une mère espagnole. Oui, c’est un peu brutal comme préambule mais autant être honnête et couper court dès le départ aux questions sur mes origines qui mènent à l’embarras lorsque j’y réponds. La mission de mon papa à l’Alliance française de Calcutta a pris fin lorsque j’avais un peu moins de trois ans donc nous sommes rentrés à Paris. Enfin, “rentrés“, c’était surtout pour mes parents parce que pour moi quitter mes terres natales représentait plutôt une grande première dont je n’avais absolument pas conscience vu mon âge. Mon frère Yannick est né quelques jours après mon 4ème anniversaire. Là aussi je vais éviter le “sugarcoating“ et être directe: je suis la seule de ma fratrie à avoir été adoptée, d’où la différence de couleur de peau avec le reste de ma famille, différence que l’on m’a bien fait remarquer à l’école quand j’étais enfant. 

    Versailles? 1976? Aucune idée…

    Bref, en 1981, mon journaliste de père a été nommé responsable de bureau pour l’AFP et nous a donc embarqués en Indonésie, à Djakarta, où nous avons vécu quatre ans. Avec le recul, je me rends compte à quel point notre enfance a été douce, à quel point nous avons eu de la chance de vivre dans de grandes maisons et de passer nos vacances dans des endroits paradisiaques comme Bali, Bora-Bora ou encore cette petite île des Maldives dont j’ai oublié le nom, mais à l’époque, je voulais vivre une vie comme “les autres“, grandir auprès de mes cousins restés en France, aller à St Cast tous les étés pêcher des couteaux à marée basse, manger des fraises et du jambon et tous ces produits inexistants en Indonésie. Des trucs idiots d’enfant qui avaient de l’importance aux yeux d’une petite fille. 

    Après Djakarta, nous sommes rentrés à Paris (et cette fois, le verbe “rentrer“ est adéquat…) où est né mon frère Marc avant repartir deux ans plus tard au Pakistan, pays que j’ai profondément détesté, puis en Argentine, pays que j’ai profondément adoré. Mes parents se sont séparés à ce moment-là, mon père s’est remarié et j’ai eu la chance de voir ma fratrie agrandie avec la naissance de Sophia puis Lucas. Après six ans à Buenos Aires et mon bac en poche, je suis retournée à Paris pour faire mes études, d’abord à La Sorbonne Nouvelle avant d’intégrer l’ISIT, une école privée de traduction et interprétation. Bref, tous ces diplômes pour au final décider de ne pas être traductrice… Je voulais être en contact avec des personnes en chair et en os, pas avec un PC et des dicos… En Argentine, j’ai rencontré Yoann avec qui j’ai vécu à Paris, dans le VIIème, et qui m’a épousée après neuf ans de relation.

    CE1 (Djakarta, 1982)

    En 2004, nous nous sommes installés dans une grande maison à Berne, en Suisse, et notre fille Alix est née un an plus tard. Je ne vais pas vous dessiner un schéma sur les aléas de la vie mais notre vie bernoise a eu raison de notre couple et en décembre 2007, Yoann et Alix sont rentrés à Paris et moi je suis venue m’installer à Genève. Pourquoi une telle distance? Tout simplement parce que je n’ai pas trouvé d’emploi en France… Donc pendant cinq ans, j’ai fait l’aller-retour tous les weekends et pendant les vacances scolaires. Les gens autour de moi m’ont souvent demandé si ce n’était pas trop dur. Bah oui, quelle question! Chaque dimanche soir, je rentrais à Genève avec le cœur lourd. Quand on est une maman séparée et qu’on ne vit pas avec son enfant, on devient tout de suite l’objet de suspicions malsaines et débiles. Ça n’a rien à voir! Encore aujourd’hui je me sens obligée de me justifier auprès des autres: non, je n’ai pas abandonné ma fille et non, mon ex mari n’a pas obtenu la garde parce que je suis une mauvaise mère. C’est un choix que nous avons fait tous les deux pour le bien-être d’Alix. J’étais censée trouver un job à Paris pour les rejoindre mais aucune occasion sérieuse ne s’est présentée… Du coup, nous avons passé beaucoup de temps ensemble, à Paris mais aussi dans la maison de campagne de ma mère, à Barcelone, à Disneyland, à Megève… Ma fille n’a jamais eu à choisir entre fêter son anniversaire ou Noël avec son père ou sa mère puisque nous avons continué à fonctionner comme une famille. Elle n’a jamais manqué d’amour. 

    Alix, mon ourson bernois (Berne, 2006)

    A Genève, j’ai d’abord vécu aux Pâquis où je louais une chambre dans une famille. Sympa quand on est étudiant. Nettement moins quand on a 32 ans… J’aimais bien ce quartier central, sa proximité avec le Léman, le fait de sauter dans une mouette le matin pour rejoindre le bureau, même si je me suis tapée quelques frayeurs le soir. Mais je me suis sentie revivre quand je me suis installée dans un grand studio aux Eaux Vives, avec mon chat Kussai, mes meubles, mes affaires, mon univers. C’était petit et peu pratique quand Alix venait y passer quelques jours, surtout qu’entretemps j’avais recueilli deux autres matous, Iqbal et Nayla, et un chien, Neus, mais nous étions heureuses toutes les deux dans ce minuscule cocon. Pour les animaux, je suis incorrigible, je sais… En étant totalement seule dans une ville inconnue, j’avais besoin d’avoir un semblant de famille et mes animaux m’ont apporté cette sérénité. 

    Déconnade mère/fille (Genève, 2015)

    C’est le hasard qui m’a fait rencontrer Mickael en 2013 au cours d’un dîner auquel nous avons été greffés un peu au dernier moment. Il était invité mais ne savait pas si y aller et moi j’ai été rajoutée en last minute… Coup de foudre comme dans les films américains ou presque! Je suis tombée instantanément amoureuse de son sourire et sentie en sécurité dans ses bras. Après cette soirée-là, on n’a plus jamais voulu se quitter. Nous avons rapidement déserté le centre ville de Genève, trop bruyant pour les misophones que nous sommes, afin de nous établir dans une commune proche, calme et verdoyante donc idéale pour fonder une famille, notre Ragondin Family (je vous en parlerai dans un autre article). Après les attentats du 13 novembre, Alix est venue s’installer avec son papa pas très loin de chez nous et ça été un soulagement de l’avoir plus près de moi, de pouvoir faire 20 minutes de voiture au lieu de 3h de train pour la serrer contre mon cœur, d’avoir un vrai quotidien avec elle. Mon petit Melchior est né à la fin de l’été 2017 et ma vie a radicalement changé depuis. Je suis très famille, ma fille a toujours été ma priorité mais j’ai beaucoup trop privilégié mon travail ces dernières années. L’arrivée de mon fils a bouleversé cet ordre établi mettant mes enfants tout en haut de ma to-do list et le reste… tout en bas… Je ne dis pas que je n’aime plus mon poste de rédactrice en chef d’un magazine horloger, c’est juste que l’essentiel de ma vie, ce sont les deux petits têtes brunes que j’ai mis au monde.

    Mes bébés (Moliets, 2018)

    Le but de ce blog est de m’offrir une bulle d’air, de m’exprimer créativement sur des sujets différents, de parler de mon quotidien, de partager mes bons plans mais aussi mes doutes, comme un exutoire sain. Il n’y aura pas d’articles sponsorisés, pas de bannières publicitaires, pas de concours pour gagner quoi que ce soit. Juste mes émotions retranscrites en phrases et en photos que vous êtes libres de commenter directement sous les articles ou en m’écrivant un petit message. Je vous souhaite la bienvenue chez moi!

    Nous, les Ragondins (Moliets, 2018)

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