Oui, la tendance 2020 est de se plaindre constamment, et à travers tous les supports possibles, de la crise sanitaire que nous vivons. De gémir comme un animal blessé de devoir porter un masque, de ne pas pouvoir faire de shopping ni aller au restaurant, d’être obligé de limiter les contacts et les déplacements au strict minimum.
J’avoue que moi aussi la situation me perturbe, m’angoisse, mais bousculer mes petites habitudes pour le bien-être de tous ne me dérange pas.
De l’empathie pour les commerçants et les entreprises qui se prennent des baffes monumentales dans la gueule depuis mars, j’en ai. De l’admiration pour le personnel soignant qui bosse comme des connards 24/7, j’en ai encore plus.
En prenant du recul, l’essentiel est là: mes enfants sont en bonne santé, mes proches se portent bien, nous avons tous un toit sur la tête et à manger dans nos assiettes. Le reste n’est que fioriture. Vraiment.
Nous gérons la séparation comme nous le pouvons, avec les outils à notre disposition et nous nous apprêtons à passer les fêtes chacun de notre côté. C’est triste mais c’est comme ça. Je préfère me priver de mes parents, de mes frères et de ma soeur, sacrifier un Noël tous ensemble, pour pouvoir mieux les retrouver plus tard.
Et Dieu sait que ma famille me manque, que je ne me suis jamais sentie aussi isolée en Suisse, loin de ceux que j’aime le plus au monde. Le virus m’a séparée de ma fille pendant 4 mois et croyez-moi, 4 mois sans voir son enfant, c’est long, c’est dur à vivre.
Cependant, cette année que tout le monde veut voir disparaître, comme si en 2021, pfiou! le virus allait se volatiliser le 1er janvier à minuit, ne m’a pas empêchée de vivre des moments de joie. Retrouver ma fille après cet éloignement difficile, renforcer les liens avec mes amies, accueillir deux magnifiques bébés, rêver de nouveaux projets. La vie est différente mais elle est toujours là. A nous d’être résilients, d’être responsables et solidaires, de nous adapter.
A tous ceux qui se plaignent, se sentent prisonniers, j’ai juste envie de leur demander s’ils aiment leurs parents. Parce que moi j’aime les miens, j’aime ma mère, j’aime mon père. L’idée qu’ils puissent tomber malades, qu’un médecin ait à choisir lequel des deux sauver, me terrorise.
Et tous ces risques que je ne prends pas, toutes ces mesures aussi inutiles puissent-elles sembler que je respecte, je le fais pour eux.
La montre J12 possède cette capacité formidable de me transporter dans le temps et de me renvoyer en un éclair dans le passé, ce que j’adore. Je me revois dans ma vie d’il y a vingt ans, Parisienne, fraîchement diplômée et engagée dans une agence de publicité, un peu angoissée par la fin du monde prédite par Paco Rabanne que je croise régulièrement boulevard Raspail, déjà collectionneuse de vernis à ongles Chanel, accro aux terrasses de café de la Rive gauche que j’envahis avec ma bande de copines. La vie est belle, facile et insouciante (malgré Paco Rabanne).
Nous sommes tous attablés, sirotant nos cocas (light parce que le zéro n’existe pas encore), chacun arborant une montre au poignet. La mienne est petite, carrée, à quartz (oui, je sais…) et porte le patronyme d’un couturier et maroquinier italien. Il y de grands noms de l’horlogerie suisse tout autour de moi, principalement des marques de la Vallée de Joux. Je découvre celle de mon voisin. Impossible de la rater, elle est nonseulement magnifique mais c’est la première fois que je croise un tel modèle. “C’est une J12. De Chanel. Elle est automatique et en céramique noire”. Ah bon? Moi qui connais cette marque par cœur, qui suis les moindre faits et gestes de Karl Lagerfeld, qui dévore des yeux les défilés sur Paris Première, je me sens un peu bête tout d’un coup. Nous sommes en l’an 2000 et la J12 et moi venons de faire connaissance. On me la prête quelques minutes pour que je puisse l’essayer et l’admirer (même si le bracelet réglé sur le poignet du monsieur est trois fois trop grand pour moi). Je me plonge dans son regard d’ébène, tout en caressant son corps si doux. Peut-être que je lui murmure des mots d’amour, peut-être que je lui fais la promesse secrète de la posséder un jour. Mais ce désir muet a de toute façon volé en éclat trois ans plus tard lorsque est née la J12 blanche.
Longtemps boudé, le blanc est devenu une couleur incontournable, que ce soit chez moi ou dans mon dressing. Non, en réalité, on peut même parler de véritable fascination. C’est une teinte qui me renvoie au passé elle aussi (décidément…), qui fait remonter en moi des souvenirs d’enfance, de rires avec mes frères mais aussi de disputes, de soleil, de cigales et d’odeurs de thym et d’huile d’olive. Les murs recouverts de chaux de la maison de mes grands-parents au bord de la Méditerranée, les nuages en pointillés qui perturbent paisiblement le ciel d’été, les robes légères que l’on porte sur la plage, les pieds dans le sable. Le blanc, c’est la lumière, et la lumière met tout le monde de bonne humeur. Forcément, avec un tel esprit, la J12 et son manteau virginal, immaculé comme un flocon de neige, ne pouvaient que me plaire.
Vingt ans plus tard, je suis toujours attablée mais à Genève cette fois (et devant un coca zéro), en tête-à-tête avec une de mes meilleures amies. A son poignet, le Saint Graal de mes vingt-huit ans, la pureté parfaitement incarnée avec cet habit monochrome. Comme je le fais tout le temps avec tout le monde (même des inconnus) lorsque je repère une montre qui m’intéresse, je demande si je peux l’essayer. Bien sûr. Je demande si je peux la prendre en photo. Bien sûr aussi. Je demande si je peux la garder toute la vie. Bien sûr… que non. Ma copine propose de me la prêter quelques semaines. Au moment où j’accepte, je sais que je vais pleurer le jour où il me faudra rendre ce modèle que je convoite avec tant d’ardeur.
Bizarrement, les montres blanches restent rares même si certains horlogers s’y mettent timidement. En 2003, si je fouille dans ma mémoire, je ne vois que la J12. Les gens préfèrent sans doute des teintes plus démocratisées, plus passe-partout (ennuyeuses, quoi) comme le noir alors qu’une montre, c’est avant tout une émotion mais aussi un statement, une affirmation de sa personnalité. Et contrairement aux idées reçues, le blanc va avec tout. Il illumine tout, il réveille tout. C’est aussi pour cette raison que j’aime l’acier, le titane et le platine: j’aime la lumière. Et la J12 la reflète comme nulle autre montre, même si Mickael ronchonne parce qu’il n’arrive pas à la photographier comme il le voudrait tellement elle brille.
Comme une étoile au poignet. Pas facile à capturer, certes, mais qui a envie de capturer les étoiles?
Le contact de la céramique sur la peau est aussi soyeux qu’une plume. A tel point que, fait inédit pour moi, je me suis endormie plusieurs nuits d’affilée avec la montre au poignet. C’est simple: je ne la sens pas tellement elle est légère. Le boîtier mesure 38mm de diamètre, une taille unisexe. Parce que ça aussi c’est un détail que j’apprécie: la silhouette androgyne de la J12 qui peut être portée par une femme comme par un homme. La preuve, la première fois que j’ai croisé son chemin en 2000, elle était au bras d’un garçon. Son allure est unique, elle ne rentre dans aucune case. Ce n’est pas une montre sportive bien qu’elle en possède l’esprit, ni une montre de plongée bien qu’elle soit étanche jusqu’à 200m de profondeur, et encore moins une montre classique bien qu’avec le temps elle soit devenue un classique. A l’aise dans toutes les situations, elle se marie merveilleusement bien avec une tenue formelle telle qu’un tailleur – vêtement introuvable dans mon armoire – mais je préfère l’associer à une petite robe en coton blanc toute simple ou un short en jean et des Stan Smith.
L’année dernière, la J12 a fêté son dix-neuvième anniversaire, l’occasion pour Arnaud Chastaingt, le Directeur du Studio de Création Horlogerie Chanel depuis 2013, de modifier quelques détails ici et là, de la faire “changer sans changer” comme il le dit si bien. En mettant la nouvelle et l’ancienne côte-à-côte, on peut détecter ces petites transformations. Personnellement, je la trouve encore plus raffinée (comme si c’était possible), plus aboutie peut-être. Mais ce qui est important à mes yeux, amatrice d’horlogerie oblige, c’est le nouveau cœur qui anime ses fonctionnalités que j’estime essentielles (les heures, minutes, secondes au centre et la date à 4h30: je n’ai besoin de rien d’autre), le calibre 12.1 de manufacture qui délivre 70 heures de réserve de marche. Et 70 heures, quand la majorité des montres tourne autour de 42 heures, quand on a des enfants et qu’on vit comme un bolide lancé à pleine vitesse entre les repas, la sortie de crèche, les devoirs, le bain, c’est un luxe dont je ne veux plus jamais me passer.
Je fête mes 45 ans dans quelques mois et je sais déjà ce que je vais réclamer comme cadeau d’anniversaire.
Si vous me connaissez un petit peu, dans la vraie vie ou à travers la prose que j’étale avec délectation dans ces pages ou même les réseaux sociaux, vous savez que tout ce qui touche à l’émotionnel pur, les souvenirs d’enfance et la famille sont des fondamentaux dont je me nourris au quotidien.
Il arrive parfois qu’un simple détail, aussi insignifiant soit-il pour le commun des mortels, me transporte dans le passé, vers cette époque bénie d’insouciance dans laquelle j’ai grandi. Ce petit élément qui vient titiller ma mémoire que j’évoque ici est en réalité une couleur, un bleu mais pas n’importe lequel.
Je suis l’aînée d’une fratrie composée de trois garçons et deux filles, et avec le frère le plus proche en âge, nous avons beaucoup joué ensemble lorsque nous étions enfants, malgré nos quatre ans d’écart. Nos moments de récréation consistaient essentiellement à me plier aux envies de ce cadet – un brin tyrannique, pardon de l’admettre – dont l’univers étaient peuplé de petits personnages Playmobil®, principalement des cowboys et des indiens. Dans ce western miniature figurait un fort de cavalerie américaine habité par des soldats dans leur uniforme bleu.
Ce bleu, ce fameux bleu qui a coloré mon enfance, je l’ai retrouvé sur le visage de la Pelagos de Tudor lorsque cette montre a été présentée à Baselworld il y a quelques années. Forcément, je l’ai instantanément aimée.
C’est donc un regard tendre que je porte sur ce garde- temps parce que la couleur qui habille son cadran et sa lunette est chère à mes yeux. Lorsque je lis l’heure, je pense à mon frère, je pense à l’enfant que j’étais, et ces émotions-là, croyez-moi, n’ont pas de prix. Bien entendu, le surnom de Pelagos bleu Playmobil® n’est pas officiel, c’est juste un clin d’œil entre cette montre que j’ai la chance d’avoir au poignet et moi.
Et pour mieux vivre mes souvenirs, je suis partie avec elle (et ma famille, bien sûr!) passer les fêtes de fin d’année dans la maison de campagne de ma mère, comme quasiment chaque année depuis ma naissance. Cette ancienne bergerie qui date d’il y a deux siècles est nichée sur une colline en pleine cambrousse catalane, coincée entre les Pyrénées et la Méditerranée. Un environnement un tantinet hostile et sauvage, en pleine nature, soit l’endroit rêvé pour tester cette Pelagos.
Hiver oblige, je n’ai malheureusement pas pu me baigner pour faire quelques brassées avec elle mais de toute façon, vu qu’elle supporte des immersions jusqu’à 500m de profondeur, qu’elle possède un fond et une couronne vissés et une valve à hélium à 9h sur le flanc de son boîtier, je n’ai aucun doute quant à sa super étanchéité.
Pas de baignades en eau salée ni même en eau chlorée certes mais comme toutes mes autres montres, elle a subi mon quotidien de maman en vacances à la campagne avec des enfants dont deux en bas âge qui courent partout et deux chiens de chasse… qui courent partout aussi!
A part pour dormir, elle n’a pas quitté mon poignet. C’est la deuxième fois que j’emprunte une montre en titane (bracelet compris) et j’avoue aimer de plus en plus ce métal. Parce qu’il est léger et quand on porte une montre de plongée avec un boîtier de 42mm de diamètre sur un petit poignet comme le mien, le poids est un paramètre non négligeable. Parce qu’il est résistant et encaisse sans broncher les assauts de mon fils et les coups que je peux lui donner involontairement et maladroitement en la tapant contre le cadre d’une porte ou le rebord de l’évier. Parce sa couleur plus grise, plus sombre que l’argenté de l’acier me plaît énormément et se marie avec tout type de vêtement, un autre point qui me parle beaucoup vu que je n’ai plus le temps de réfléchir vingt ans sur la tenue à porter donc si en plus je dois l’assortir à ma montre…
Revenons quelques instants sur le cadran, qui outre sa couleur que j’aime pour les raisons que vous connaissez désormais, présente des éléments caractéristiques des montres de plongée de Tudor que la marque a instaurés dès la fin des années 1960 telles les aiguilles de forme bâton dites “snowflakes” parce que celle des heures et la trotteuse sont terminées par un losange. Cette silhouette particulière couplée aux figures géométriques que sont les index permettent une prise d’information rapide même dans la pénombre (dans mon cas, pas au fond de la mer mais plutôt lorsque je vais vérifier que mes enfants dorment alors que la lumière de leurs chambres est éteinte). Et justement, puisque je mentionne la luminescence des indications, j’aime beaucoup le revêtement blanc à émission bleue, tellement plus beau et élégant que l’habituelle phosphorescence verte! Et la finition mate de l’ensemble qui annule tout reflet est un autre élément esthétique (mais aussi technique pour les vrais plongeurs!) qui me séduit. C’est agréable pour les yeux et fait de cette montre la plus photogénique de ma collection.
En termes de fonctionnalités, la Pelagos répond à mes besoins car elle présente l’essentiel, à mes yeux, c’est-à-dire la combinaison centrale heures/minutes/ secondes et la date (à 3h). Les seuls chiffres arabes présents sont ceux des graduations inscrits sur l’anneau bleu mat en céramique qui coiffe la lunette rotative unidirectionnelle.
L’unique reproche que je pourrais faire à cette montre concerne la longueur du bracelet qui, même après avoir retiré un bon nombre de maillons, reste un peu trop “lâche” sur mon poignet, ce qui arrange Mickael puisque, grâce à la boucle déployante sécurisée qui embarque un système de rallonge automatique à ressorts, il peut emprunter ma Pelagos quand il veut!
Il y a quelques années, j’aurai été hystérique à l’idée de ne pas être joignable.
Mais là, au contraire, pendant 5 jours, je me suis sentie soulagée. Soulagée de ne pas avoir la pression d’un potentiel appel alors que j’ai horreur de parler au téléphone. Soulagée de pouvoir uniquement prendre des photos, envoyer des messages, lire la presse, vagabonder sur les réseaux sociaux. Soulagée d’être coupée du monde lorsque hors de portée de mon wifi.
Et sereine parce qu’avec mes enfants et mon homme, sans téléphone, sans risque d’être dérangée. Encore mieux que le mode ”avion”.
Il n’y a qu’une seule personne qui sait comment me joindre en cas d’urgence puisque je n’ai pas de ligne fixe non plus.
J’aime toutes les fonctionnalités qu’offre mon téléphone… sauf le téléphone.
Malheureusement, ma nouvelle carte SIM vient d’arriver.
Dans mon environnement quotidien gravitent autour de moi celles que j’appelle “les marques-doudous”. Rien à voir avec le vieux lapin blanc tout usé que ma fille emporte partout et sans lequel elle ne peut pas s’endormir (bon, plus maintenant vu qu’elle a quand même bientôt quinze ans). Une marque-doudou, c’est une marque qu’on chérit car on l’a connue au cours de son enfance, qui a accompagné notre croissance, sur laquelle on porte un regard tendre, peut-être un brin nostalgique parfois, et en qui on a une confiance aveugle (un peu comme un ami, un vrai ami). Il arrive parfois qu’on en perde en cours de route, soit parce qu’elles ne s’adressent plus à nous et qu’il y a une évolution tarissant la relation, soit parce que cette confiance justement a été rompue pour une raison X. Aujourd’hui, ces marques-doudous, je les compte sur les doigts de la main (un peu comme les amis, d’ailleurs).
A mes yeux (et dans mon cœur), Montblanc fait partie de ce minuscule panel de marques-doudous. Elle est profondément ancrée dans l’histoire de ma famille, mes parents étant tous les deux de grands fans du Meisterstück dont ils possèdent toutes les déclinaisons possibles. Quand j’étais jeune, je souhaitais devenir écrivain et mon père m’a souvent dit que les écrivains et les grands journalistes n’écrivaient qu’avec un Montblanc. Plus tard, à l’âge de quinze ans, il m’a offert mon premier Meisterstück. Ce joli souvenir me fait sourire parce que même si je ne suis pas devenue l’auteure que je rêvais d’être, j’ai devant moi ma petite collection d’instruments d’écriture aux bouchons coiffés de la fameuse étoile blanche étalée sur mon bureau alors que j’écris ces quelques lignes. Avec ce premier stylo-plume, je suis entrée dans l’univers de l’entreprise hambourgeoise et j’ai, avec les années, découvert le reste de ses gammes, notamment la maroquinerie (surtout à cause de ma mère) et la petite maroquinerie (surtout à cause de mon mari). Je savais qu’il existait des montres signées Montblanc mais je ne m’y suis réellement intéressée qu’en devenant journaliste spécialisée en horlogerie.
Tout a changé pour moi le jour où Davide Cerrato a pris les commandes du département Montres de Montblanc fin 2015. J’aimais déjà ce que l’entreprise produisait mais son arrivée a marqué la naissance quelques mois plus tard d’une de mes collections horlogères préférées: 1858. Visuellement, les montres de cette ligne m’ont tout de suite tapé dans l’œil. Mécaniquement, je savais, pour m’être rendue trois fois dans la manufacture de Villeret, qu’elles étaient rythmées par des moteurs impeccables. Et physiquement/ergonomiquement… Vous souvenez de mon conseil, n’est-ce pas? Toujours toujours toujours passer un garde-temps au poignet avant de l’acheter. C’est ce que j’ai fait avec la 1858 Geosphere dont la version avec cadran vert et NATO kaki présentée au SIHH est un de mes coups de foudre de l’année. Bon, je ne l’ai pas achetée, je n’en ai malheureusement pas les moyens bien que son prix (comme celui des montres Montblanc en général) soit extrêmement “réaliste”, compétitif. Une belle montre automatique en bronze avec de tels affichages (heures, minutes, date, second fuseau horaire et heures du monde avec indicateur jour/nuit) à 6’380 francs suisses, honnêtement… je n’en ai jamais vue! Bref, afin de la tester réellement, je l’ai empruntée à Davide Cerrato himself pour quelques semaines, histoire de lui faire partager mon quotidien avant de la rendre à son créateur.
Etre la montre d’une femme active mère de deux enfants dont un en bas âge n’est pas chose facile. Comme pour toutes les pièces que je porte, je ne lui ai rien épargné. Si elle n’a pas pris l’avion bien qu’elle soit taillée pour les voyages, elle a toutefois vécu d’autres aventures, elle pris des giclures de purée, donné le bain, couru après le bus, participé à des conférences de presse, fait des balades au grand air, subi les assauts affectueux de mes chats… Et son robuste boîtier en bronze patiné n’a pris aucune rayure, son bracelet en textile est toujours impeccable. Vu que je ne fais pas partie de ces personnes qui aiment assortir le genre de leur montre au style de leur vêtements (le classique avec le formel, le sportif avec le décontracté, le féminin pour les femmes et le masculin pour les hommes, etc… quel ennui!) et que je m’habille beaucoup avec des couleurs “naturelles” comme le camel, le beige ou les différentes nuances de vert, de l’émeraude à l’amande en passant par le kaki, je ne me suis posée aucune question. Elle va avec tout. Et l’avantage de son diamètre de 42mm mais aussi de son NATO réglable, c’est qu’elle convient aussi bien à des poignets menus comme le mien qu’à des plus larges à l’instar de celui de mon mari qui ne s’est pas gêné pour me la piquer de temps en temps. Qu’elle soit sur Mickael ou sur moi, l’effet reste le même: la 1858 Geosphere fascine. Famille, confrères, amis, collègues ont tous loué son graphisme unique, sa couleur vibrante. Nous n’avons reçu que des compliments et aux rares personnes qui ignoraient que Montblanc faisait des montres ou qui étaient sceptiques parce que bêtement restés bloqués sur les instruments d’écriture, nous leur avons raconté l’histoire de Minerva, la qualité des produits, le confort au porter, la vision et la touche de Davide Cerrato. “Tiens, prends-la dans la main, essaye-la au poignet, et tu verras” (ce qu’a fait mon fils un jour, la Geosphere traînant sur mon bureau, ce qui m’a presque valu un arrêt du cœur quand je l’ai vue entre ses petits doigts).
Forcément, ce qui attire le regard, notamment celui de mon petit garçon (!), ce sont ces deux demis-globes placés vers midi et 6h qui présentent les heures du monde de façon intuitive. Rotatifs, les hémisphères en relief évoluent sur un rythme de 24 heures et portent la graduation des 24 fuseaux horaires. Comme je l’écrivais plus haut, nous n’avons pas eu l’occasion de voyager dernièrement, en tout cas pas hors de Suisse. Cependant, nous avons profité d’une sortie en famille non pas pour traverser les fuseaux horaires mais remonter le temps puisque “notre” Geosphere a accompagné mes enfants à DinoWorld, une exposition de dinosaures en grandeur nature ou presque en pleine campagne genevoise à deux pas de notre maison. Ensuite, elle s’est promenée au bord du lac Léman avant d’assister à un match de basketball de rue sous la douceur du soleil d’automne. Comme un membre supplémentaire de notre foyer. Comme l’a toujours été cette marque-doudou qu’est Montblanc depuis mon enfance et qui compte avec une cliente de plus depuis deux ans: ma fille.
Le jour viendra où il me faudra expliquer à mon petit garçon ce qu’est le racisme comme je l’ai fait il y a quelques années avec ma petite fille
Ma petite fille blanche, mon petit garçon blanc et leur maman… pas blanche
Le prévenir qu’il y aura peut-être des enfants à l’école qui lui demanderont pourquoi sa mère n’a pas la même couleur de peau, de cheveux, d’yeux
Lui dire qu’il subira des réflexions bêtes et méchantes, qu’il entendra peut-être des questions débiles et des “ta maman est africaine?”
Le préserver quand on questionnera notre lien filial et charnel devant lui pour des histoires de ressemblance physique, que je serai obligée de sortir ma carte d’identité ou mes crocs lorsqu’on me prendra pour sa “nounou mauricienne”
Lui faire comprendre le soulagement que j’ai ressenti à la naissance de chacun de mes enfants en découvrant leur joli teint rose parce que ne pas être blanc est un handicap dans ce monde de blancs et encore plus quand on porte un prénom à la con comme moi, que ça m’a pris des décennies avant d’accepter d’être Indienne et que je ne suis pas encore sûre de l’assumer
Lui apprendre que je ne suis pas “exotique”, que les personnes qui me renvoient constamment à mes origines en me parlant de mon bronzage, de poulet au curry, parfois en faisant des gestes vers leur visage pour rire de ma couleur de peau n’ont rien de drôles
Lui dire que ce délit de faciès, cette stigmatisation constante que je subis depuis plus de 40 ans et qui dégénère en violence pure pour d’autres personnes jusqu’au meurtre porte un nom: le racisme
Lui rappeler que les races n’existent que pour les animaux, que nous appartenons tous à la même espèce – l’humanité-, que nous sommes faits de chair, de sang et d’amour
Le jour viendra où je n’aurais rien à expliquer à mon petit garçon parce que toutes ces conneries auront disparu, que les hommes et les femmes auront enfin appris à s’aimer et se respecter.